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Crise de légitimité au sein du RDPC : Le cas Léon Theiler Onana, symptôme d’un dysfonctionnement démocratique ?

Le débat sur la gouvernance interne des partis politiques en Afrique refait surface à travers une plainte inédite déposée par Léon Theiler Onana, conseiller municipal à Monatélé et membre du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC). Ce dernier met en cause la légalité de la direction actuelle du parti au pouvoir au Cameroun, en dénonçant notamment l’absence de congrès depuis 14 ans et l’illégitimité du président national, Paul Biya, à se représenter en 2025. Cette prise de position interpelle. Elle soulève des enjeux fondamentaux relatifs à la démocratie interne, à la gestion du pouvoir dans les régimes dominants, et à la transition politique au Cameroun.

  1. Contexte et faits : une plainte inédite contre le parti au pouvoir

Léon Theiler Onana, élu local et membre actif du RDPC, a engagé une action en justice contre les instances dirigeantes de son propre parti. Selon lui, plusieurs dysfonctionnements graves entachent le fonctionnement interne du RDPC :

  • L’absence de congrès ordinaire depuis près de 14 ans, ce qui va à l’encontre des statuts du parti ;
  • La nomination illégale des membres du Comité central, alors qu’ils devraient être élus ;
  • L’expiration du mandat du président national, Paul Biya, rendant toute convocation de congrès irrégulière selon les textes du parti.

Ces éléments l’amènent à affirmer que le RDPC ne dispose légalement d’aucun candidat pour l’élection présidentielle d’octobre 2025, et que toute décision en ce sens serait nulle et non avenue.

  1. Analyse juridique : entre vide statutaire et verrouillage institutionnel

Les griefs soulevés par Léon Onana s’appuient sur les articles 17 et 18 des statuts du RDPC, qui exigent que les membres du comité central soient élus lors d’un congrès ordinaire. Or, l’inexistence de ce congrès depuis plus d’une décennie crée une rupture dans la chaîne de légitimité.

Ce constat pose un problème juridique important : un parti peut-il fonctionner indéfiniment sans se référer à ses propres textes ? Et si oui, quelles en sont les conséquences sur la crédibilité de son candidat à l’élection présidentielle ? Ces interrogations rappellent les faiblesses des partis dits “dominants”, où la centralisation extrême du pouvoir empêche tout renouvellement institutionnel.

  1. Enjeux politiques : crise de légitimité et division interne

La sortie de Léon Theiler Onana révèle une fracture latente au sein du RDPC. Ce qu’il exprime à haute voix semble refléter le sentiment d’une partie de la base militante, lassée par l’immobilisme et les pratiques de personnalisation du pouvoir.

Deux dynamiques apparaissent clairement :

  • Un camp conservateur, attaché à la figure de Paul Biya, souvent pour des intérêts liés à la conservation de privilèges politiques ou économiques ;
  • Un courant réformateur, incarné ici par Onana, qui appelle à une transition générationnelle et à une meilleure gouvernance interne.

Cette division affaiblit le parti à l’approche de l’échéance présidentielle de 2025, en particulier dans des bastions comme la Lékié, où la discipline partisane commence à s’effriter.

  1. Lecture sociopolitique : une crise révélatrice d’un malaise national

Au-delà du cadre partisan, cette affaire met en lumière une tension plus générale dans la société camerounaise. L’appel à une alternance générationnelle, le rejet de l’immobilisme, et la dénonciation de l’accaparement du pouvoir par une élite vieillissante sont des motifs récurrents dans le discours public.

Le cas du RDPC devient ainsi un miroir grossissant du système politique camerounais : une centralisation excessive, un déficit de renouvellement, et une élite coupée de la base. Cette plainte n’est pas isolée : elle s’inscrit dans un contexte régional africain où les exigences de bonne gouvernance, de transparence et de participation citoyenne deviennent de plus en plus pressantes.

Conclusion : Une voix dissonante ou l’éveil d’une nouvelle conscience politique ?

La démarche de Léon Theiler Onana pourrait être vue comme marginale, voire risquée. Mais elle s’inscrit dans un processus de réveil démocratique au sein du Cameroun. Son geste, même s’il n’aboutit pas juridiquement, provoque un débat de fond sur la légitimité, l’alternance, et la démocratie interne dans les partis politiques.

Il met les décideurs face à un dilemme : renforcer les institutions internes par le respect des textes, ou continuer dans une logique de personnalisation et de gestion clanique du pouvoir, au risque d’un rejet populaire massif.

🔎 Bibliographie indicative :

  • Bayart, J.-F. (1989). L’État en Afrique : La politique du ventre. Fayard.
  • Barkan, J. (2009). Emerging Legislatures: Institutions of Horizontal Accountability. World Bank Institute.
  • Kouamouo, T. (2023). « RDPC : tensions internes et perspectives électorales », Le Monde Afrique.
  • Constitution du RDPC (Statuts officiels, version 2011).

Par Marie Claude ONDO, journaliste

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